vendredi 20 mai 2016

Voix 2016: le documentaire


Réalisé par Sarah Saighi, ce documentaire vous permettra de faire connaissance avec les artistes de la résidence. Un témoignage précieux sur ce que furent ces trois semaines d'ébullition créatrice.
Il est à découvrir ICI











Vous pouvez également voir et revoir le documentaire de Judith Lesur, qui retrace la vie des Voix de la marionnette lors de la première édition, en 2014.
A découvrir ICI


jeudi 19 mai 2016

20 mai: la fin, ce n'est pas rien



Le matin est patraque, moins vert que le gecko en faction sur le mur d’en face.

On va bientôt se dire des mots définitifs, juste avant le velum.
D’abord on range.



L’intensité des derniers jours se fracasse sur les murs de l’alliance, couverts de graffitis.
Ça ferait comme des poussières de fatigue qui voleraient dans les airs.
La première chose à faire est de retirer les couches de papier : les bavardages se mesurent en kilomètre, rageusement gribouillés ou tendrement soulignés de fleurette, quand une fille aime un garçon, bien avant le désastre des épousailles.



Il restera, de tout cela, pour consoler les amertumes des dernières heures, la grande beauté du drame qui s’est joué là. Non pas seulement le souvenir, non pas seulement les images : plus encore, la possibilité d’y revenir, de reprendre possession de la scène, d’y jeter, à nouveau, rages, murmures, danses, vapeurs et transes. 
Se donner la peine d’y croire s’est déjà le faire exister : ce n’est pas rien.




Avant la fin

D'abord le spectacle de Clément sur les textes de Lolita Monga


L'écriture de Lolita Monga baigne dans un quotidien trivial où la langue créole s’amuse à éclabousser les passants que nous sommes. La femme a la part belle : elle chante, elle se rebelle, à l’image des bancs de carange que les pêcheurs tentent d’attraper dans leurs filets. Se profilent alors de belles images : une sirène à deux queues, des poissons à tête d’humains pervers. Il y aussi cette grande marionnette de mousse : manipulée par les trois comédiens, elle est celle qui se décompose et se recompose : personnage éclaté qui reflète bien les difficultés à  réunir sur un même plateau-monde tous les intrus que nous sommes.



Ensuite le spectacle de Leonor sur les textes d'Eric Dama



Tranches de vie malgache... Déclinant le thème imposé de l’intrus, Eric Dama nous emmène au cœur d’une maison malgache où rôde le chat de la voisine, il nous perd, en compagnie d’une bande de brigands fêtards, dans la forêt profonde, et puis comme un clin d’œil à une histoire pas si ancienne, voilà que tous se figent en un garde-à-vous radicalement militaire. C’est pour mieux rebondir : le souvenir ancien se transforme en une petite figure de papier. Fragile, elle n’en est pas moins terriblement présente et tout est dit : la beauté est légère comme les mots imprimés sur le papier journal.


23 images du spectacle

A découvrir ICI

Les Voix, un peu avant la représentation





Alors la lumière est revenue.

Médicis et Ragasy ont joué deux morceaux. Non. Trois.

Tandis que sur la scène l’un accordéonne, que l’autre guitarise, que les deux chantent, qu'emportées par la joie qui règne dans les lieux deux jeunes-femmes chaloupent de la fesse, le public se serre sur les gradins de la grande salle de spectacle.
Il fait chaud. Les enfants font les enfants et courent partout, personne n’aurait l’idée de les gronder, tout le monde se réjouit.

On attend de voir ce que donneront les textes lus le 9 mai dernier. Le 9 mai dernier, personne n’a compris grand-chose. Je me souviens des regards perplexes à la fin de la séance de lecture.
Maintenant que les lumières s’éteignent, les gens vont enfin savoir de quoi il retourne. (« non parce que je sais pas toi mais moi l’autre jour, j’ai rien compris. T’as compris quelque chose, toi ? Non »)

Expressions / Impressions

Clément Peretjatko, Kabar 19-05-2016
S'il y a des îles qui dépaysent grandement, Madagascar en fait parti. À la croisée de l'Afrique et de l'Océanie, ce sont tout mes sens de voyageurs qui s'illuminent. Installé dans un touk touk made in china que les Malgaches conduisent sur le sable rouge que foule mes pieds de waza, les cultures s'entrechoquent sous mes yeux et m’ébouillantent au delà de la rétine.
J'ai lu sur un mur de Diégo Suarez : "le voyage se prévoit mais la rencontre de la douceur reste imprévisible". C'est ce mélange en ébullition, cet imprévisible que j'ai cherché à mettre en scène. J'ai eu la chance de travailler avec trois acteurs malgaches provenant de différentes régions de l'île, un chanteur-musicien burkinabé, deux constructeurs de marionnettes, l'une française et l'autre belge. Il a fallut trouver l'unisson de nos imaginaires teintés du paysage de Diégo pour s'emparer de l'écriture sensible, poétique et imagée que Lolita Monga nous a préparé comme une sauce créole.
Dans les images de Lolita, les jeunes sirènes rêvent de chevaucher des 4x4 et se font belles pour partir, la nuit, à la pêche aux vieux carangues. Un voyageur prend le rôle de l’étrange étranger et cherche à se baigner dans la bais de Diégo pour purifier sa petite cicatrice. Une famille malgache réconforte, selon la tradition, une jeune fille dont le nouveau né est parti avant ses premières dents de lait.
Dans les images que nous avons construitent, ce sont des bancs de poissons qui dansent sur des étales où les billets de banques s'entrechoquent, des coquillages sonores, une sirène à deux queues, des chants électriques et une marionnette qui se désagrège pour mieux nettoyer sa plaie.
Les voix de la marionnette est une résidence qui s'adresse aux voyageurs aguerris, pour qui l'art de voyager se confond avec celui de créer. C’est une chance d’en être !


Leonor Canales, Kabar 19-05-2016

A travers et grâce au texte d’Éric j’ai voulu rendre visible la vie à Diégo.
Avec tous ses paradoxes, sa complexité, sa beauté…
Le voyage que nous vous proposons est une plongée dans les petits détails du quotidien, dans la force mora mora des malgaches, leur inventivité face à la précarité, leur douceur de vivre…
Je remercie Filip et Stéphanie de m’avoir embarquée dans cette magnifique aventure.
Merci à mon équipe Mouna, Prisca, Stephano et Samantha pour leur confiance, merci à tous les artistes de la Voix de la marionnette pour rendre concret cette belle utopie : ZUT ! je me tais… laissons les voix de la marionnette parler pour nous.

D'abord, les kabary...

1er kabary: Lucas Malcor, directeur de l'Alliance française de Diégo Suarez

2ème kabary: Stéphanie Lefort, organisatrice des Voix de la marionnette


3ème kabary: Filip Auchère, directeur artistique des Voix de la marionnette

4ème kabary: Clément Peretjatko, metteur en scène des Voix de la marionnette, Lyon

5ème kabary: Leonore Canales, metteure en scène des Voix de la marionnette, Brest


Restitution !




Je reviendrai plus longuement sur l'événement. Juste avant, moins d'une heure avant, la Jirama nous joue la blague du grand délestage: Diégo Suarez plonge dans le noir.
 Tout le monde étant confiant (l'habitude, sans doute), on a croisé les doigts et rivé nos yeux sur les lumières de la ville. Et puis, 30mn plus tard, les groupes électrogènes se sont tus.
Et la lumière fut.

Alléluïa.


mercredi 18 mai 2016

Le groupe au (presque) complet

Sous le chapeau, une quinzième personne, absente mais indispensable: Didier Balsaux


Indispensables également, de gauche à droite et de haut en bas: Sarah Saighi (Vidéaste - France), Vivienne Rasoanirina (Comédienne - Madagascar), Onasis Wendker (Musicien - Burkina Faso), Jean-Luc Rakotobe (Comédien - Madagascar), Pauline Marc (Plasticienne - France), Prisca Miarinirina (Comédienne - Madagascar), Filip Auchère (Directeur artistique - France), Mounawar (Musicien - La Réunion), Stéphanie Lefort (Organisatrice - France), Stephano Boudi (Comédien - Madagascar), Cleopatra Rasoafara (Comédienne - Madagascar), Leonore Canales (Metteure en scène - France/Espagne), Samantha Randrianasolo (Comédienne - Madagascar), Clément Peretjatko (Metteur en scène - France).

Sans oublier: Lolita Monga (Auteur - La Réunion) et Eric Dama (Auteur - Madagascar)


mardi 17 mai 2016

17 mai 2016 - Le veluma de Didier



La sensation du temps accordéon est un phénomène qui m’étonnera toujours.
Je mesure le temps qui passe à la diminution du nombre de pilules dans mes plaquettes de malarone. C’est l’opercule d’aluminium déchiré, laissant le petit réceptacle vide et légèrement cabossé, qui me rappelle la course des jours et je suis très surprise de la rapidité avec laquelle les lundis succèdent aux dimanches.

Du lundi au dimanche, je recompte le nombre de pilules déjà prises, pour être sûre de ne pas avoir sauté un jour.

Sauter un jour.
Si seulement on pouvait sauter par-dessus les jours ! Pas pour aller plus vite, mais pour aller plus haut. Observer d’en haut nos corps en pleine action. Celui qui peint, celui qui sourit, celui qui cuisine, celui qui boit, celui qui danse : on ne verrait que des sommets de crâne et on devinerait dans quelle direction ça court. On ne verrait pas ce que ça pense, mais on verrait ce que ça fait. Et à force de voir ce que ça fait, on devinerait ce que ça rêve.

Le rêve avance et les jours passent. Les Voix s’accordent : de très jolies propositions surgissent du plateau, les comédiens prennent de l’assurance, on le sent dans leurs gestes qui dessinent des intentions de plus en plus précises.

Ce soir, Didier fait son veluma.

Sortie de résidence: l'affiche 2016


lundi 16 mai 2016

16 mai 2016 - Azafady



Quel calme aujourd’hui.
Normal, c’est un lundi cathofestif en raison d’une Pentecôte divinement sanctus spiritus quoique massivement flemmardisée.

Le Zegny’Zo a clôturé sa dixième édition, le soufflé retombe, chacun rentre chez soi, il y aura moins  à manger pour les moustiques, en tout cas moins de peaux vazah.

L’Alliance ouvre une petite brèche et les Voix s’y engouffrent. Les Voix ayant horreur du vide, elles remplissent l’espace de félins mousseux, d’une femme marinée à double terminaison, de poissons affublés d’appendices nasales qui rappellent les vieux sacs mous de nos mégères pastorales.
A propos : Diégo tourne le dos à la mer, aux poissons et aux sirènes. Pour autant, elle ne s’ouvre à aucune campagne. Ou alors il y a longtemps, et c’était des campagnes militaires. Pour autant elle creuse des désirs d’ailleurs, elle ne jette pas l’ancre (ni ancre, ni gouvernail), ses matelots ont la main en visière au-dessus de leurs yeux, guettant l’horizon, chaque nuit debout sur le pont du bateau, là-haut sur une terrasse de voyageurs de passage, voyageurs éphémères, azafady! on ne dérangera pas longtemps, merci pour ce moment, c’était joyeux mais nous ne sommes pas d’ici. 

Pour autant les Voix s’épanouissent.

samedi 14 mai 2016

14 mai 2016 - Zone d'utopie temporaire à la loupe (1er épisode)

Ill: "Madagascar, terre de richesses et terrain de chasse"

Revenir sur la ZUT !

Une nouvelle exploration de cette zone d’utopie temporaire met en lumière ce qui nous échappait au premier regard (le soleil,  trop implacable, rend toute chose d’une grande imprécision).

Il s’avère que la place est belle.

Coincé entre un passé mythifié et un présent à première vue insouciant, la ville se laisse complimenter.
Diégo la libertine a la cuisse légère et cultive son éthylisme durable  au rythme des caisses claires.
De l’art au milieu des engorgements de touk-touks : la parade colore la ville en jaune et rouge.

Un battement de paupière et l’on rate le chien éventré au milieu du carrefour. Des litres de rhum plus tard, les mendiants ont abandonné les trottoirs aux évadés du Taxi bé.

Hélas, il y a des matins qui chantent faux.

Les octo-dégénérés rongés d’aphrodisiaques bavent leurs regards torves  sur des culs ostensibles. Des culs ronds. Des ronds sonnants et des ronds trébuchants.  Recta de la poche de papi aux poches de papa.

Un battement de paupière et l’on aurait raté la fête. Zut !

vendredi 13 mai 2016

13 mai - Vendredi magnifique




Nous sommes invités chez des gens qui ne peuvent pas s’arrêter de danser. 

Ici, les jours ne s’arrêtent jamais. Ils traversent au son des percussions le voile de chaque nuit et se posent, comme un chien se pose aux pieds de son maître, la paupière un peu tombante mais toujours la truffe luisante et le corps aux aguets.

Ainsi vont les jours, indifférents aux voix des marionnettes. Des  voix rauques en ce vendredi magnifique. Des voix ensablées par les rafales de varatraza. Et même pas le répit des nuits pour poser les cordes vocales parce qu’à moins d’être cloîtré dans un placard triplement cadenassé, je ne vois pas bien comment résister à cette cadence fiévreusement déversée sur nos âmes mouillées de chaud. Derrière chaque micro, une caisse de résonnance transforme le sol en tapis de braise et tout s’agite,  nous colle les cheveux et parfume les corps d’une suave odeur de musc.

Au petit matin le jour ne se couche pas. Une sirène à deux queues soupire d’aise en patientant son prochain amant.

jeudi 12 mai 2016

12 mai 2016

RIEN.
Je n’écrirai rien.

Je ne parlerai pas des murs de la ville, ils sont bavards, racontent des épopées marines , des larmes grises coulent des fenêtres fermées, n’insistez pas je ne dirai rien des enfants qui ne sont pas encore des enfants mais à jamais des gouttes d’eau retenues par les paniers qui pendent des arbres, je n’ai aucune envie de revenir sur les parades affolantes et les fillettes en jupe à fleur et leur jambes fragiles qui soulèvent des rythmes oppressant et les rumeurs de la foule, je ne les entend plus.

RIEN.
Je n’écrirai rien.





Ni la porte du diable, ni les yeux agrandis à la mesure des peurs blotties dans le ventre des petits garçons, ni Vané qui tremble ses ombres, poétise un courant alternatif, tente le sombre silence mais le silence ici, à l’exact endroit de la fête, est aussi incongru qu’une fleur violette sur la carcasse d’un vieux zébu.



Ze suis fatiguée. Ze n’ai plus de voix. Z’ai mal ozoreilles. Il y a trop de poussières dans mes Zieux. Z’ai envie de me plaindre. Ze n’écris pas Ze ronchonne. Ze n’invente rien Ze râle.
Ze suis française, ne suis-ze pas ?

mercredi 11 mai 2016

Lu dans La Tribune de Diégo

Un article de la Tribune de Diégo, à découvrir ICI.




Le blog de Leonor Canales





Leonor Canales est l'une des deux metteur en scène des Voix de la marionnette.

Originaire d'Espagne, elle dirige à Brest la compagnie A petits pas.

Retrouvez sa voix sur le lien suivant: https://leonorcanales.tumblr.com/


11 mai 2016






Grand soleil sur la terrasse ce matin. Pas d’ombre. La journée va être chaude.


Premières répétitions, premières angoisses qui se manifestent dans les yeux des metteurs en scène. On n’est pas encore tout à fait dans le « lâcher-prise » : on se tient encore au bastingage (Zut ! Capitaine !) parce que quand même, ça fait haut.
Mounawar pose la nappe, puis il met la table : d’abord les verres, les couverts, la bouteille en dernier avec le bruit caractéristique du bouchon qui fait « pop ! ». Et tout ça vous balance une musique. Au même moment, des feuilles de papier journal, entre les mains de Samantha, de Prisca et de Stephano, chiffonnées, font naître une silhouette : la première marionnette fait ses premiers pas. Titubante, un peu maladroite, émouvante.

Deuxième parade. Dans la rue, à son passage, on voit plein de gens heureux. Le  soir, l’Alliance française accueille un spectacle traditionnel malgache. La salle est pleine. Le public, enthousiaste.
Bon. Alors. Qu’est-ce qu’on attend pour déclarer l’art Grande Cause Mondiale ? Une cause à défendre, quoiqu’il en coûte ? Ce que j’entends ici c’est que l’ambiance se détériore depuis trop longtemps. Les gens n’osent plus sortir le soir dans la rue alors qu’autrefois Diégo était la ville de la fête. Les gens n’ont plus d’argent, les gens ont peur, les gens mâchent du kat, les gens ne se rêvent plus. A qui profite cet assassinat prémédité de l’imaginaire ? Qui sont ces gros-ventres dont l’arrogance  est au moins aussi démesurée que la peur que leur inspire la liberté de penser ?

Je crois qu’on les connait. Ils sont partout. Ici, dans les 4 roues motrices. Là-bas, dans les plus récents modèles sortis des usines Citroën. Partout, derrière des vitres fumées, pour surtout ne pas nous voir.

mardi 10 mai 2016

10 mai 2016


Goûtez-Savourez-Partagez.

Zegny-Zo, 10ème édition, ouverture des amitiés : la fanfare Byin Mayé traverse la ville et la ville vibre en rouge et jaune, en do-dièse et sur échasses. Dommage qu’il n’y ait pas le son. Ça faisait pouèèèète, doum-doum, pouiiite, à peu près. Surtout une envie de danser et le mieux : les habitants, au milieu, pas que dans la marge, pas du tout comme les enfants qui faisaient une haie d’honneur très rigide et pas du tout dandinante, au passage de la Première Dame, vendredi dernier.

Monique et Jeannot dominent, comme d’habitude, hissés à hauteur de girafe.

Et pendant ce temps-là, les Voix de la marionnette se cherchent.
C’est le moment de la chute (cf. hier) où l’incertitude est la plus grande : ça passe, ou ça casse. Les équipes ont été formées au hasard du tirage au sort. Le hasard n’ayant aucune disposition pour la facilité, il faudra s’accommoder, et si ça se déchire, raccommoder.

C’est le temps du questionnement et du qu’est-ce-que-je-suis-venu-faire-dans-cette-galère. On ne s’est jamais senti aussi acculé, aussi déséquilibré. Pourtant, la troupe ne manque ni de pieds, ni de cervelle : Clément, Léonore, Sarah, Pauline, Didier, Mounawar, Onassis, Cléopatre, Jean-Luc, Prisca, Stéphano, Samantha, Vivienne, ça nous en fait 26 en tout (des pieds). De quoi aller loin.

Goûtez-Savourez-Partagez.

lundi 9 mai 2016

9 mai 2016 - Ce soir, on lit


Aujourd’hui les artistes de Diégo accueillent ceux d’ailleurs, une fausse bretonne, quoique véritable espagnole, une vraie bretonne résidant à Lyon, un lyonnais avec un nom ukrainien, un musicien de la Réunion qui en fait est comorien et un autre musicien provisoirement diégolais et remarquablement burkina bé.

Quand on vous dit qu’on est tous des intrus.

Il ne manque plus que Didier le belge, qui pour le coup l’est de manière exclusive, de la racine du cheveux jusqu’à la pointe de l’accent, du cent pour cent pure frite. 

La première partie de la résidence s’achève ce soir avec la lecture des textes. Lolita, trois textes, Eric, trois textes, et l’on attend avec impatience d’entendre leurs voix. Ce sont des voix créoles, malgaches, des voix du vent et des voix de paniers suspendus. Ce sont des voix de chats, des voix de brigands, des chuchotis et des chansons, des voix de mains qui claquent, des voix de gorge qui raclent, des voix de vazaha, des voix d’enfants, des voix de pieds, qui tapent et qui glissent, à la fin une philharmonie bien peu classique, mais tremblante et rauque, et langoureuse, comme si une flûte à bec avait fricoté avec un coquillage.


A l’issue des lectures, Filip tire au sort les équipes. C’est le moment un peu fatal où l’on se retrouve au bord du vide et demain, il faut avancer (un saut sans élastique).


Demain : c’est encore loin, il faudra quelques doses de caïpirinha pour trouver le courage d’achever le jour d’hui.

dimanche 8 mai 2016

8 mai 2016 - Dimanche à la cool


La route de Ramen, 19 km de trous et la mer, qui se rapproche dangereusement de ce qu’il reste de bitume.
La route et ses cratères font  se bringuebaler les corps, et le cerveau, cette petite chose fragile, fait des bonds dans la boite crânienne, pourvu qu’on ne devienne pas aveugle.  Apparait alors (ouf, on n’est pas aveugle) dans un tremblement follement chaotique le pain de sucre et les baobabs. Derrière un voile flou de poussière, des murs d’enceintes abritent les heureux propriétaires d’une vue époustouflante sur la baie de Diégo, indifférents à cette petite détresse cardiaque qui nous menace à chaque virage. Après quelques kilomètres, nous sommes arrêtés par la barrière économique. Pour qu’elle se relève et nous autorise à continuer notre bondissant chemin à travers les nids de poule, il faut s’acquitter de 1000 ariary. On s’en acquitte, ce n’est pas le moment de jouer les citoyens outragés mais tout de même, monsieur, l’état de la route, ça n’est pas raisonnable, si ? Hein ? Vous quoi ? Vous avez chaud ? Ah. Ok. 2000 ariary.
C’est comme ça, c’est la vie, les policiers ont chaud et les citoyens leur payent un coup, après quoi les citoyens peuvent retourner à leur quête de moyens de subsistance en se disant que c’est ballot, s’ils avaient su, ils auraient fait des études pour devenir celui qui a chaud au lieu d’être de manière désespérément habituelle celui qui paye celui qui a chaud.

samedi 7 mai 2016

7 mai - Inauguration à l'Alliance française


Le 7, ça se fête, surtout quand on inaugure une médiathèque.
On a adoré :
-    l’hymne malgache chanté en cœur et avec cœur par un chœur d’enfants. 
-    L’invitation au voyage que constitue l’ouverture de ce nouvel espace consacré aux livres et à la lecture.
-    Tous les gens qui se démènent pour que ça existe.
C’était une belle journée, vraiment, avec Guignol à la manœuvre et pour finir une chouette rencontre autour du documentaire consacré à Libertalia.
Et cette question d’une jeune-fille, à la fin de la discussion : « pour finir c’est quoi, Libertalia, parce que pour nous, les jeunes, c’est juste une bière… ».
Que les esprits libres se lèvent et expliquent à cette jeune-fille que Libertalia, c’est une utopie : une république idéale fantasmée par un romancier, mais réactivée aujourd’hui par tous ceux qui rêvent d’une transformation radicale de nos sociétés, avec un peu plus de solidarité, de respect de l’humain de partage des richesses… 

Pour y parvenir, la route est au moins aussi mauvaise que celle qui mène à Badamer. Mais ça ne nous empêchera pas d’y aller car au bout, il y a le sourire des gens heureux.

6 mai 2016 - L'émoi de la marionnette



Ce matin les enfants ne sont pas à l’école.

Ils ont quitté les salles de classe et se sont alignés le long du trottoir pour applaudir au passage de La Dame. Que cette ferveur enfantine est rafraichissante !

Vraiment, il n’est jamais trop tôt pour manifester sa soumission et déclarer son indéfectible fidélité par un battement répété et primesautier des deux mains, quand après deux heures d’attente l’automobile de La Dame descend avec une rare élégance les rues vibrionnantes d’Antsiranana, longe ses commerces rutilants, ses boutiques gorgées de victuaille, ses rues parfaitement entretenues avec un zèle presqu’excessif par de valeureux cantonniers, fiers de contribuer ainsi et pour un salaire aussi modeste qu’irrégulier au rayonnement d’une ville qui ainsi brille bien au-delà de ses frontières, au moins jusqu’aux confins de la baie de Sakalava où d’honnêtes promoteurs du développement durable de leur patrimoine absolument sécurisé dans de paradisiaques succursales d’établissement financiers, procurent aux villageois l’immense privilège d’assister à l’érection des bâtiments du futur, où le béton le dispute à la vue imprenable sur l’immensité bleue azur d’une mer vidée de ses poissons.

Braves petits enfants.

vendredi 6 mai 2016

5 mai 2016 - Férié comme le vent



Aujourd’hui, RIEN : c’est férié.

Non, en vérité, ça n’est pas férié pour tout le monde. Ici, à l’Alliance, il y a des tas de gens qui s’agitent dans tous les sens pour que samedi prochain, dès 9 heures,  la médiathèque ouvre ses porte sur la ZUT !

Non, décidément, ce n’est pas férié pour tout le monde et j’entends sans discontinuer le glissement de pieds nus sur le sol (c’est doux aux oreilles) et le hurlement strident d’une machine à gratter la pierre ou la ferraille (ça, pour le coup, ce n’est pas tellement agréable) et ça cogne aussi, à coup de grosses branlées de marteau-massue.

Je ne sais pas ce qu’ils font tous, mais ce que je vois c’est que du mobilier passe d’une pièce à l’autre, et ça ressemble à un calvaire, tellement c’est lourd. Les livres aussi, ça pèse.  Pourtant, ce qu’il y a dedans, c’est léger comme le vent. Des pages et des pages recouvertes d’encre noire et des phrases, légères comme le vent. Des étagères aux dimensions précises, pénibles à trimbaler, et des mondes imaginaires, légers comme le vent. Des ordinateurs, des unités centrales, des fils en pagaille qui feront bientôt d’impossibles nœuds sous les tables et des promesses d’histoires, légères comme le vent.

Comme le disait l’excellent Alfredo Bryce Echenique (s’il n’est pas au menu de la médiathèque, il faudra y remédier : cet homme écrit des pavés, légers comme le vent), comme donc le disait si bien cet auteur d’un autre continent excessivement sud-américain, NE DEPRIMEZ PAS, IMPRIMEZ !

Pas férié pour tout le monde, en vérité.



jeudi 5 mai 2016

Regard caméra






Sarah, vidéaste pour Les Voix de la marionnette.
Arrivée le 4 mai en provenance de Nosy Be.

4 mai 2016 - Déluges


Les nuages rongent leur frein.
La ville est agitée.  Vendeurs de chapeaux de paille, vendeurs de beignets, vendeurs de crédit téléphonique, aussi des arachides, aussi crêpes, savates, et encore des légumes, des flacons, des tampons, des objets en plastique faits en Chine, des DVD et aussi des téléphones, des moteurs, des cigarettes, bon sang oui, des cigarettes, du miel et des fruits, surtout bananes et oranges : tout ça sur les trottoirs de la ville, alors ça fait du monde qui remue. Le ciel s’épaissit.
Dehors les bruits sont des bruits de la ville, alors que dedans, à l’Alliance française, on a les bruits du chantier. On se croirait chez un dentiste pour brontosaure.

Les gros feutres se balancent doucement devant les papiers marrons clair scotchés au mur : tiens, quelqu’un a écrit. Si on se met à écrire sur les murs, c’est bon signe : les Voix de la marionnette, c’est vraiment parti. Il fait lourd.

L’après-midi avance avec le jour : c’est mercredi, c’est les enfants.
Un, puis deux, puis dix, puis… on ne s’entend plus : leurs voix à eux ont pris le pouvoir sur le silence qui se réfugie on ne sait où, peut-être dans le bureau du directeur, mais ça n’est même pas sûr. 



Le ciel se déchire.
L’eau se répand partout sur les trottoirs et dans les trous.
Devant les murs recouverts de papier, les enfants se déchaînent. Ils dessinent, écrivent leur nom, et     aussi une jolie supplique pour la paie (sic) dans le monde. Les filles font des fleurs et les garçons font des garçons. Façon manga, cheveux en pétard et grands yeux ronds.
A la fin, il n’y a plus ni silence ni un coin de papier vierge : les intrus ont pris le pouvoir, ils sont partout et c’est tant mieux.


mardi 3 mai 2016

3 mai 2016 - Tentative de définition d'une marionnette


La marionnette est un genre étrange. Un drôle de genre. Une chose hybride et transgenre. Dans le monde du théâtre, la marionnette est une intruse.

Dans le monde de la randonnée, ce serait un chemin de traverse. Celui qu’il faut trouver soi-même sans balise, sans instrument de mesure, avec les moyens du bord.

La marionnette, c’est une histoire de trouvaille et de bricolage.

On n’écrit pas pour elle. On vocalise avec elle. Elle n’a pas de cordes vocales, pas comme un comédien. C’est inutile de lui faire dire des phrases censées.

N’empêche que : si on la laisse parler, elle peut tout dire.

La marionnette est une statue qui a mal tourné.
Elle a ce côté solennel de la statue, mais c’est une statue descendue de son piédestal : ça la rend plus humaine, plus proche de nous, plus triviale aussi, parce qu’elle a trahi sa lignée (comme il y a des noblesses de robe, il pourrait y avoir des noblesses de pierre).

La marionnette a un passé sacerdotal, et dans certains pays, elle est restée très  pratiquante (par exemple en Indonésie, le wayang: ça peut vous encérémonialiser un spectacle pendant des jours et des jours).

La marionnette est transgressive.
C’est une aristo passée du côté du peuple.

lundi 2 mai 2016

2 mai 2016 - 10h30 - Nouvelle édition des Voix de la marionnette


Bienvenue dans la ZUT ! Le thème, cette année, tourne autour de l’INTRUS. Tiens tiens ! Comme c’est étrange ! Justement, il manque un auteur. Les gardes-frontières n’aiment pas l’improvisation. L’ile Maurice, cette année, restera au large, et Zut.

Pour qu’il y ait des intrus, il faut des ports (ça marche aussi avec un e à la fin : pour qu’il ait des intrus, il faut des portes): ça tombe bien, on est à Diégo Suarez et... oh! C'est un port!
 
S’il n’y avait pas de port, il n’y aurait pas d’intrus. Le port est là pour accueillir tous les intrus du monde.
Qui ne sont des intrus qu’en arrivant au port.
Avant, ils sont entre eux, ils sont accrochés à une rive quelconque, ils ont un cordon qui les rattache à une vie écrite ailleurs.

C’est en descendant du bateau qu’ils deviennent des intrus.

L’intrus intrigue. On ne sait pas d’où il vient, il n’est pas tout entier appréciable, il ne parle peut-être pas la même langue (on l’admire parce qu’il parle une autre langue, ça le rend plus intelligent, ça le rend plus riche, ça le rend plus inaccessible). Il fait peur parce qu’on ne le possède pas complètement. On ne pourra jamais, même s’il raconte sa vie, faire le tour de sa personne. D’ailleurs, il n’est personne et on ne lui demande rien.

Il y a des bouts de lui qu’on ne parviendra jamais à concevoir. L’intrus n’est pas concevable. Il n’est même pas pensable.

A moins qu’on aime le mystère. La face cachée de la lune, plus que la lune elle-même.

Dans ce cas, on prendra l’intrus pour ce qu’il est : un risque à prendre.

On ne nait pas intrus, on le devient. Par la grâce des ports et par la grâce des frontières.

De ces ports et de ces frontières, il sera donc question.

dimanche 1 mai 2016

Bienvenue dans la ZUT !


Tous ZUTistes!

Dès demain: ouverture officielle de la ZONE D'UTOPIE TEMPORAIRE.

Installée provisoirement à l'Alliance française de Diégo Suarez, accueillant des artistes provisoirement ou définitivement malgaches, ouvrant les bras à l'imaginaire débridé d'artistes absolument versés dans les utopies pirates, les Voix de la Marionnette investissent la ZUT!
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